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14/03/18 | 17 h 39 min par AFP

« On n’est jamais si bien servi que par soi même »: Ciné et copie de contrôle obligatoires pour un film à la gloire du président à vie Xi

Affiche pour le film chinois 'Trop fort, mon pays' dans un cinéma de Shanghai, le 9 mars 2018

« Vérification du vieil adage  » 

Déjà omniprésent dans les médias, l’homme fort de Pékin est désormais la star d’un documentaire patriotique, diffusé dans les salles de cinéma du pays que des millions de Chinois sont fortement encouragés à remplir…

 Le Parti communiste chinois (PCC) au pouvoir veut faire de ce film de propagande, appelé littéralement «Trop fort, mon pays» («Amazing China» selon la traduction en anglais), un énorme succès en salle.

Quitte à gonfler artificiellement le box-office : des entreprises et des administrations publiques offrent des tickets gratuits et organisent des séances groupées pour leurs employés — qui peuvent difficilement refuser l’offre de leur hiérarchie.

Et ça marche : le film, sur les écrans depuis le 2 mars, a déjà accumulé 269 millions de yuans (34 millions d’euros) de recettes. Un record pour un documentaire en Chine, selon des médias d’Etat.

Il vante, avec force belles images et musique grandiloquente, les grandes réussites chinoises en matière scientifique, industrielle, ou sociale. Dénominateur commun? Elles sont toutes présentées comme ayant été réalisées depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping fin 2012.

– ‘C’est notre devoir’ –

Celui-ci fait d’ailleurs de multiples apparitions pour proposer sa vision et articuler son message politique.

«On vient d’une entreprise publique de tabac. On est venus tous ensemble», explique une femme qui faisait partie de la centaine de spectateurs réunis dans un cinéma de Shanghai.

«C’est un film très patriotique et qui contient la doctrine de notre Parti. C’est notre devoir de le regarder», déclare-t-elle avec entrain.

La date de diffusion n’a pas été choisie au hasard. Elle intervient en pleine grand-messe politique annuelle à Pékin : la session du Parlement, étroitement contrôlé par le PCC au pouvoir.

C’est au cours de cet événement que les députés viennent d’abolir la limite de deux mandats présidentiels de cinq ans, offrant la possibilité à Xi Jinping de se représenter autant de fois qu’il le veut.

Le président chinois bénéficie déjà, dans les journaux, à la télévision et via l’affichage public d’une intense propagande vantant son statut de chef en passe de faire de la Chine une puissance moderne et prospère.

«Trop fort, mon pays» décrit ainsi la modernisation de l’armée, la construction d’infrastructures, le programme spatial chinois ou encore la lutte contre la pauvreté.

– Censure –

Mais il fait l’impasse sur certains problèmes : les tensions récurrentes au Tibet (ouest) et dans la région majoritairement musulmane du Xinjiang (nord-ouest), la pollution de l’air ou encore la corruption.

Sur le principal site internet chinois de critique de films, Douban.com, la possibilité pour les spectateurs de commenter «Trop fort, mon pays» a été désactivée. Une pratique courante des censeurs afin d’éviter les avis négatifs.

Mais sur internet, de nombreux Chinois se plaignent d’être obligés de voir le film et d’avoir ensuite à rédiger un compte-rendu dithyrambique.

« On a l’impression d’être des écoliers qu’on amène voir un film et à qui on donne des devoirs », peste un utilisateur du réseau social Weibo.

Les cinémas doivent déjà diffuser depuis 2017 avant chaque film des clips où des acteurs célèbres égrènent des slogans reprenant la doctrine du Parti.

Des films d’action patriotiques, à la qualité croissante, s’imposent par ailleurs de plus en plus au box-office face aux production d’Hollywood.


Par AFP —  (mis à jour à )
image : Affiche pour le film chinois « Trop fort, mon pays » dans un cinéma de Shanghai, le 9 mars 2018 Photo Johannes EISELE. AFP